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Une ville de toile sur le toit du monde : le camp de base de l’Everest

Publié le par Paesaggio

Le souffle court, je m’arrête un instant pour contempler la ville de toile bariolée… Enfin, me voilà au bout de mon trek, au camp de base de l’Everest, à 5 365 mètres d’altitude, à huit jours de marche de Lukla, le bien-nommé « aérodrome le plus dangereux du monde ».

Depuis le camp, installé sur la moraine latérale du dangereux glacier du Khumbu, nulle trace de l’Everest, bien que je n’en ai jamais été aussi proche : il est caché derrière l’épaule du Nuptse. Ce n’est donc pas pour apercevoir le plus haut sommet du monde que des dizaines de touristes ont marché plus d’une heure depuis le hameau de Gorakshep. Non, c’est pour se faire prendre en photo devant le cairn enseveli sous les drapeaux de prières, et indiquant, d’une peinture délavée «Everest Base Camp, 17 598 ft».

C’est là que les groupes de randonneurs arrivent au terme de « leur expédition » (atteindre le camp de base depuis Lukla), à deux pas des alpinistes en route pour « leur expédition » (grimper l’Everest depuis le camp de base). Ce côtoiement entre « trekkers » et « climbers » est une composante essentielle de la magie des lieux : l’aventure des seconds commence là où les premiers font demi-tour, mais non sans avoir touché du doigt le mythe de l’Everest, et emporté avec eux une fraction de la légende résonant du nom des héros : Hillary, Tenzing, Messner, Viesturs, Hall, Fisher, etc.

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Le camp de base de l’Everest, cet « EBC » que l’on retrouve dans toutes les bouches est donc un lieu chargé de valeurs, de symboles, de légendes : un « haut-lieu ».

En pénétrant dans le camp, l’œil du géographe découvre un véritable microcosme, une ville miniature. Les 800 habitants de cette cité, ravitaillée par des convois de sherpas et des trains de yaks, se répartissent ainsi en différents « quartiers » de tentes aux couleurs et formes relativement semblables. Pour les distinguer, se fier aux banderoles aux couleurs des agences d’alpinisme : Mountain Madness, Alpine Ascents, Summit Climb, etc. Ce printemps, l’agence International Mountain Guides (IMG) fait sensation, avec pas moins de 50 grimpeurs, payant chacun 50 000 dollars pour tenter l’ascension de l’Everest et du Lhotse voisin. IMG forme donc un immense quartier, que tout le monde connaît, et qui sert de point de repère, de point cardinal dans tout le camp.

Au sein de chaque « quartier » : la même organisation circulaire, autour de la grande « tente-mess », haute et rectangulaire, souvent surmontée d’une antenne radio, véritable centre de l’activité sociale des grimpeurs dans l’attente de la bonne fenêtre météo. Autour de ce noyau sont disposées les tentes-dômes bariolées des grimpeurs. Enfin, sur l’extérieur du campement, quelques petites tentes de la taille d’une cabine téléphonique : les toilettes.

Le gouvernement népalais agit aujourd’hui pour faire oublier l’époque où EBC était surnommé « la plus haute décharge du monde » : toute agence d’alpinisme est tenue de collecter ses déchets, toilettes comprises, et de les redescendre jusqu’au hameau de Lobuche, où ils seront incinérés ou recyclés, voire jusqu’à Kathmandou.

La centralité marquante du camp est le petit hôpital de campagne, sur une éminence de la moraine, à côté d’un héliport de fortune. Tous les jours, un ou deux hélicoptères, affrétés spécialement de Kathmandou, viennent rapatrier un grimpeur blessé. Ces « Rescue Flights » alimentent la légende de l’Everest, faite de triomphe, mais aussi de drames.

Si impressionnant soit-il, le camp de base est éphémère : il n’est occupé que de mars à mai et de septembre à novembre. Durant la mousson et l’hiver, le camp se vide, les tentes sont démontées, et le glacier retrouve son calme… jusqu’à la saison suivante.

Martin MIchalon

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M
Bonsoir! Je suis l'auteur de cet article... Comme vous le sentez peut-être dans ma prose, EBC est un lieu magique, à l'atmosphère unique. Une expérience que je conseille à beaucoup! Certes, mettre ses pas dans ceux d'Hillary, c'est participer à la légende, mais n'oublions pas que le camp de base n'est que l'aboutissement d'un long trek, qui traverse des paysages inoubliables. Si la dernière petite étape, entre Gorakshep et EBC, n'a pour seule et unique finalité d'atteindre EBC, le trek en lui-même est déjà un objectif remarquable et suffisant, et je pense que beaucoup de trekkeurs le sentent comme ça. En fait, EBC n'est pas seulement le camp de base de l'Everest, mais aussi le point le plus haut du trek, et dans un cul de sac. Physiquement, on ne peut plus trekker bien plus loin, et ça met donc un point final rêvé à la rando... <br /> En ce qui concerne la propreté des lieux, mes pérégrinations m'ont aussi conduit dans les Massifs des Annapurnas et du Langtang. Le trek le plus sale est en réalité au Langtang, région la moins touristique, et l'essentiel de la pollution est le fait des sherpas. Globalement, les trekkeurs sont des randonneurs comme vous et moi, respectueux de la nature. Les Népalais sont en revanche beaucoup moins sensibilisés à la protection de l'environnement. Et sur les autres treks encore plus sauvages, ça se fait forcément avec agence, qui impose de ramasser ses détritus. La saleté visible est donc globalement peu évidente. En revanche, la pollution des cours d'eau par les toilettes et les eaux usées doit être importante...<br /> Merci en tout cas de vos commentaires, n'hésitez pas à réagir, voire à me contacter pour tout renseignement précis!
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J
Le trek &quot;camp de base de l'Everest&quot; sert de vitrine bien propre, mais il semble que les autres sentiers népalais de trekking sont restés ou devenus des poubelles.
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J
Mouais, le culte porté par les courtes allonges doit être navrant ; je ne les vois pas déconstruire le mécanisme de leur jouissance ... m'enfin ...
J
Mettre ses pas dans ceux des premiers héros, c'est un peu comme participer à l'exploit mais contradictoirement c'est aussi déconstruire le mythe.
J
Voui je ne me fais pas d'illusions, mais ce qui m'étonne le plus c'est le but de la randonnée : rejoindre le camp de base des himalayistes ...
J
Quel phénomène !!<br /> j' en suis baba !
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